La Solitude du Dirigeant de Cabinet Dentaire Libéral : Le Masque, le Silence et le Courage de Se Démasquer
Introduction : le masque visible et invisible
Dans notre métier, le masque est omniprésent. Depuis le COVID, il accompagne nos journées entières. Certains le portent du matin au soir, du premier patient à la dernière stérilisation, sans jamais le retirer. Le masque est devenu une seconde peau.
Mais ce masque, en tissu ou en papier, cache un autre masque, plus intime, plus lourd. Celui du praticien impeccable, du dirigeant solide, qui doit rassurer ses patients, tenir devant son équipe, donner confiance à ses proches. Un masque invisible, mais tout aussi pesant.
Deux masques, l’un visible, l’autre invisible. Et trop souvent, le second finit par peser bien plus lourd que le premier.
Cet article est une invitation à regarder ce masque en face. À comprendre pourquoi il colle si fort à notre peau. À voir comment il alimente la solitude du dirigeant de cabinet dentaire. Et surtout, à découvrir comment, pas à pas, il est possible de le déposer pour retrouver souffle, équilibre et vérité.
Pourquoi le dirigeant de cabinet dentaire se sent-il si seul ?
Le grand écart permanent
Le chirurgien-dentiste libéral vit en permanence un grand écart.
Soignant, il est attentif, technique, précis, humain.
Manager, il est décideur, recruteur, gestionnaire, parfois pompier permanent.
Très peu de professions imposent une telle double posture. Et très peu d’entourages peuvent en comprendre la complexité. Résultat : on avance seul·e, en se persuadant que c’est “normal”.
Le poids des responsabilités financières et juridiques
Chaque fauteuil flambant neuf, chaque scanner, chaque embauche est une décision à risque. Derrière, il y a des crédits, des leasings, des signatures personnelles engageant le patrimoine.
À cela s’ajoutent les menaces juridiques : la faute inexcusable de l’employeur, la responsabilité pénale. Le masque reste souriant devant l’équipe et les patients, mais sous le masque, le poids est immense.
Le silence émotionnel
On nous a appris à tenir. Tenir devant le patient, tenir devant l’assistante, tenir devant la famille. Ne pas faillir. Ne pas montrer ses doutes. Le masque devient une armure. Mais plus l’armure est lourde, plus la solitude est grande.
Les conséquences invisibles mais réelles
Le masque qui colle à la peau
À force de le porter, le masque finit par coller. On ne sait plus faire autrement que sourire, assurer, répondre “ça va” même quand ça ne va pas. Le risque est énorme : oublier qui l’on est derrière ce masque.
Et si vous vous posiez la question : qu’est-ce qui arriverait si, pour une fois, vous ne répondiez pas “ça va” ? Qu’est-ce qui changerait si vous osiez dire à votre assistante ou à un confrère : “aujourd’hui, c’est difficile” ? Est-ce que cela vous fragiliserait vraiment, ou au contraire, est-ce que cela pourrait créer plus de lien et d’authenticité ?
Le stress et l’épuisement
Le stress permanent use. Il use le corps, il use l’esprit. Les insomnies s’installent, la fatigue devient chronique, l’envie s’éteint. Le burn-out n’est pas une exception : c’est une menace bien réelle.
Et vous, comment savez-vous que vous êtes encore dans la maîtrise… et non déjà en train de glisser vers l’épuisement ?
La distance avec l’équipe
Un dirigeant masqué finit par paraître distant. Pas par choix, mais parce que la façade empêche l’authenticité. L’équipe le ressent. La confiance se fragilise. Le collectif perd en énergie.
Qu’est-ce qui changerait si vos collaborateurs vous voyaient parfois tel que vous êtes vraiment, avec vos forces… mais aussi avec vos limites ?
Les addictions silencieuses : tenir le masque coûte que coûte
Quand la solitude devient trop lourde, il faut tenir. Alors on cherche des béquilles. Ce sont elles, les addictions silencieuses.
Les médicaments en accès libre… à soi-même
Parce que nous sommes chirurgiens-dentistes, nous avons la possibilité de prescrire. Ce privilège, qui est une responsabilité envers nos patients, peut devenir un piège lorsqu’il s’applique à soi-même. Un somnifère pour trouver le sommeil, un anxiolytique pour calmer l’angoisse. C’est simple, discret, invisible aux yeux des autres.
Mais à la longue, cette auto-prescription peut enfermer dans une spirale de dépendance silencieuse, fragilisant encore plus la santé psychologique du praticien.
Et vous, qu’est-ce que vous cherchez vraiment à calmer quand vous prenez ce comprimé ?
L’alcool pour éteindre le bruit intérieur
Un verre le soir pour “décompresser”. Puis deux, puis trois. L’alcool devient un rituel. Non pas pour le plaisir, mais pour faire taire les pensées.
Et si ce rituel du soir n’était pas un réconfort… mais un signal d’alarme ?
Les achats compulsifs
Un nouvel équipement. Une formation technique de plus. Une montre, un objet de luxe. L’acte d’achat compense le vide. Il rassure un instant, puis laisse le même creux.
Qu’est-ce que vous cherchez à combler quand vous signez ce bon de commande ?
Les écrans et la recherche compulsive
Internet offre des échappatoires sans fin. Certains se perdent dans la pornographie, en cachette. D’autres dans l’accumulation de vidéos, de formations, de contenus techniques. Deux extrêmes, mais une même logique : occuper le vide, anesthésier l’angoisse, tenir le masque encore un peu.
Et si, derrière vos heures passées devant l’écran, il y avait autre chose qu’une simple curiosité ? Peut-être une tentative d’éviter le silence intérieur ?
Groupes de pairs : là où le masque pourrait tomber
La rareté chez les dentistes
En dentaire, les groupes de pairs sont quasi inexistants. Peut-être en province y a-t-il quelques initiatives, mais dans les grandes villes, ces rencontres tournent souvent à des concours de coqs : chiffre d’affaires, matériel dernier cri, acquisitions. Rarement des émotions, rarement des peurs.
Un ami coach, invité à une rencontre entre praticiens de sa génération, en est ressorti abasourdi : “Ils ne parlaient que d’argent. Pas une fois je n’ai entendu quelqu’un dire qu’il doutait.”
Alors je vous pose la question : si demain vous participiez à un tel groupe, auriez-vous le courage de dire autre chose que vos réussites matérielles ?
L’expérience EVH : quand le masque tombe vraiment
J’ai eu la chance de participer à des groupes de pairs organisés par l’association EVH. Quatre fois par an, des dirigeants de tous horizons s’y retrouvent. Le cadre est clair : confidentialité totale, absence de concurrence, présence d’un coach garant du processus.
Et la magie opère. Les dirigeants arrivent avec une posture haute : “je gère tout, je n’ai peur de rien”. Puis, au fil des heures, la confiance s’installe. Et là, les masques tombent. Les mêmes dirigeants osent dire : “j’ai peur”, “je doute”, “je suis épuisé”. Et la transformation est considérable.
Malheureusement, rien de tel n’existe pour les chirurgiens-dentistes. Et c’est une perte immense.
Alors, que se passerait-il si, un jour, un cadre similaire existait dans notre profession ? Auriez-vous le courage d’y déposer votre masque ?
Le coaching : un espace sûr pour enfin se démasquer
En l’absence de groupes de pairs structurés, il reste une voie accessible : le coaching.
Le coaching, c’est un lieu où :
le masque peut tomber,
la parole est confidentielle,
il n’y a aucun jugement,
la relation n’est pas de “position haute”, mais d’accompagnement bienveillant,
les difficultés professionnelles et les peurs peuvent être mises à plat, en sécurité.
Alors, je vous pose cette question : qu’est-ce qui changerait si, pour une fois, vous osiez dire à voix haute vos doutes, vos peurs, vos fragilités ? Et si, au lieu de les cacher, vous découvriez qu’elles pouvaient devenir une force ?
La psychologie, elle, relève d’un autre domaine, plus profond, et peut être relayée par le coach lorsque nécessaire. Mais déjà, le coaching constitue une première marche solide pour rompre le silence et sortir de l’isolement.
Conclusion : et vous, jusqu’à quand garderez-vous le masque ?
Peut-être que, en lisant ces lignes, vous vous êtes reconnu·e.
Peut-être que vous avez senti ce décalage entre le masque visible et le masque invisible.
Peut-être que vous avez déjà utilisé certaines de ces béquilles pour tenir.
Alors laissez-moi vous poser une dernière question : vos patients retirent leur masque en sortant du cabinet. Et vous, quand retirerez-vous le vôtre ?
Car se démasquer, ce n’est pas perdre la face.
C’est, au contraire, retrouver son vrai visage.